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Apprendre de la liberté des enfants

Article de Henning Kullak-Ublik paru dans la revue « erziehungkunst » de juin 2019.

Original en allemand : https://www.erziehungskunst.de/artikel/standpunkt/von-der-freiheit-der-kinder-lernen/

 

Récemment au tapis roulant à bagages, pendant une heure rien ne se passe, puis l’annonce est faite que cela prendra malheureusement encore un certain temps. Tous les gens qui attendent sont ennuyés, regardent fatigués leurs smartphones. Temps perdu pour tout le monde ! Pour tout le monde ?

... à l’exception de la petite fille, avec son vieux jean, sa chemise à rayures légèrement sale et les cheveux de sa maman semblant toute droite sortie de Bullerbü[*], elle ne s’est pas encore ennuyée une seule seconde. D’abord elle salue chaque lamelle de l’infinie bande géante en frappant dessus une fois, puis elle saute sur la lamelle suivante et frappe dessus deux fois, enfin elle chante sur un ton approprié à chaque lamelle, qu’elle répète quand celle-ci revient. Quand la bande commence enfin à fonctionner, elle annonce avec enthousiasme chaque valise qui apparaît : « ... et une autre valise, maman ! ». Mais tout est bien plus important ici et maintenant pour que quelqu’un regarde.

Récemment il y a eu une discussion  à l’occasion d’un titre de livre : « Devenez qui vous êtes » contre « Soyez qui vous êtes ». Certains estimaient que « devenir » était une arrogance de la part de personnes qui se sentaient apparemment appelées à n’attribuer leur valeur réelle qu’à l’avenir, d’autres estimaient que « être » était un engagement envers ce qui est déjà devenu, ce qui est fini, ce qui est finalement passé, ce qui est déjà développé. Et puis la fillette, elle, ne se souciait pas de l’un ou de l’autre, mais « était » et est « devenue » en même temps.

L’éducation a toujours à voir avec les deux. Ce qui est en train de devenir représente notre conviction qu’il y a beaucoup plus dans chaque enfant que ce à quoi il a déjà librement accès en tant que disposition. Á partir d’un certain moment biographique, c’est  à soi-même de prendre activement en main son développement ou de le laisser au cours des événements : « Voilà précisément ce que je suis ! » Chaque personne doit prendre cette décision jour après jour.

L’éducation est plus difficile, car si l’auto-éducation consiste déjà à s’accepter soi-même « tel qu’on est » avant de pouvoir se tourner plus ou moins librement vers le devenir, l’attitude des adultes envers un enfant a des conséquences pour toute sa vie future. Car dans « l’être » d’un enfant, il y a toujours tout ce qu’il apporte avec lui et qu’il peut déjà faire. Mais il a besoin de gens autour de lui qui voient cela et qui s’en réjouissent.

Celui qui appelle un enfant à « devenir », sans reconnaître avec amour son « être », en fait un objet, un être déficient qui doit d’abord être changé et optimisé pour fonctionner correctement.

Reste le sentiment de ne pas satisfaire, de ne pas en faire assez. Depuis deux siècles, nous sommes habitués au fait que les enfants, surtout à l’école, doivent être éduqués à quelque chose, aux sujets fidèles à l’empereur, aux nazis ou aux communistes, aux rouages fonctionnels de la machine industrielle, récemment aux « sages » maillons du monde de plus en plus organisé par des algorithmes.

Honorons l’être des enfants ! C’est l’une des clés les plus importantes de la liberté. Si nous nous encourageons plutôt à devenir, alors nous pouvons découvrir Bullerbü partout.

Henning Kullak-Ublick a été professeur à l'école Waldorf de Flensburg de 1984 à 2010. Il est membre du conseil d'administration de la Fédération des écoles Waldorf indépendantes depuis 2004 et son porte-parole depuis 2010. Il coordonne les célébrations internationales du centenaire des écoles Waldorf 2019 (waldorf-100.org). Son livre Jeder Kind ein Könner a été publié chez Freies Geistesleben. Questions et réponses sur la pédagogie Waldorf.

Traduit par F. Duquesne avec l'aide de www.DeepL.com/Translator

 

[*] Lieu (Suéde) repris dans la littérature enfantine d’Astrid Lindgren