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Qu'est-ce qu'une symptomatologie historique inspirée par la science spirituelle ?

Thomas Meyer

Article paru dans la revue Der Europäer de février 1999 N°4

Original : http://www.perseus.ch/PDF-Dateien/symptomatologie.pdf

"Lorsqu'il s'agit justement d'étudier concrètement le Karma, d'envisager la destinée humaine de manière concrète - une étude qui présente tant de confusions parce qu'elle renferme tant de tentations - c'est précisément le moment d'être en mesure d'envisager les choses d'une manière symptomatique."

  1. Steiner, le 18.11.1916 (GA 172, Le karma de la profession, Éditions Triades 2004)
  1. Remarque préliminaire

En considération du débat sur la véracité des déclarations de Barbro Karlèn (Voir Der Europäer , Jg.2/12 et Jg.3/1), nous devons constater le résultat provisoire suivant : Dans l'ensemble de ce débat, la prise en considération sérieuse et symptomatique des faits décisifs fait défaut, sans parler de l'absence complète d'investigation de science spirituelle - avec quelques exceptions du côté anthroposophique. C'est la raison pour laquelle on va aborder ici dans le détail ce qu'est la symptomatologie historique, telle que Rudolf Steiner l'a esquissée en la présentant comme nécessaire.

  1. «Un événement est beaucoup plus important qu'un autre...»

Avec le terme « décisif », on donne déjà un mot-clef dont la signification est au coeur d'une considération symptomatique de l'histoire : Il existe en effet des phénomènes décisifs, dans un certain sens fondamentaux, et d'autres moins décisifs, voire sans importance. Cette distinction est d'une nécessité absolue, si on veut parvenir au concept de symptôme dans toute sa réalité. Dans le sens de la science spirituelle de R. Steiner, un « symptôme » n'est précisément à vrai dire qu'un phénomène sensible, qui laisse voir l'élément spirituel qui se trouve à l'arrière-plan à un degré plus élevé que dans d'autres phénomènes, formant ou entourant une situation complexe de faits. Steiner a exprimé un jour cet état de fait inhérent à la symptomatologie historique de la manière suivante : « Certes, les événements se suivent l'un après l'autre, mais un événement est beaucoup plus important qu'un autre. Et il se révèle parfois qu'un événement déterminé, qui arrive à un moment déterminé, apporte beaucoup plus d'éléments de compréhension que les autres. Il s'agit de découvrir les événements justes, les faits véritables. J'ai souvent appelé cela devant vous une considération symptomatique de l'histoire, en opposition à la simple considération pragmatique que l'on recherche aujourd'hui de manière diverse. Cette considération symptomatique est une connaissance de l'élément spirituel à l'intérieur du devenir à partir des symptômes, à l'occasion de quoi on découvre en certains moments ou lieux des événements dont la signification s'élève bien au-dessus des autres qui les environnent. »[i]

Comment trouver de tels faits décisifs dans toute leur « justesse », c'est là un problème de méthode qu'on a traité plus loin dans l'exposé (voir § 8 ).

  1. La considération symptomatique et « pragmatique » des phénomènes historiques

Steiner met donc en exergue l'étude « symptomatique » par rapport à l'étude habituelle « pragmatique ». Comprise de manière conséquente, cette dernière devrait donc a priori s'imposer comme idéal inaccessible de découvrir et d'ordonner chronologiquement la totalité des faits historiques. Comme elle n'ose faire aucune distinction qualitative des phénomènes - estimant celle-ci comme arbitraire et subjective - son champ de recherches ne s'étend par principe qu'à la totalité quantitative des faits historiques. Ces derniers sont d'abord considérés comme absolument équivalents. Ce n'est qu'à la suite d'une considération complète qu'elle peut progressivement en venir, éventuellement, à estimer la valeur de phénomènes particuliers. Mais cela ne pourrait arriver en principe qu'à la fin du temps ou des temps. La conception pragmatique de l'histoire, aujourd'hui répandue même dans les milieux anthroposophiques, peut donc être caractérisée comme provisoire, parce que remettant constamment tout jugement à plus tard. Car elle croit devoir prendre en compte tous les événements précédents et attendre les suivants, afin de pouvoir parvenir à se faire éventuellement une idée d'ensemble valable, à partir de laquelle les faits particuliers pourront faire l'objet d'un jugement. Son idéal le plus élevé doit donc être pour cette raison celui d'une chronique qui recense tous les faits sans les interpréter, et qui ne pourra s'achever qu'à la fin des temps. Elle n'en disposera jamais avant le jour du Jugement dernier.

La manière pragmatique d'étudier l'histoire croit faire preuve d'objectivité, puisqu'elle s'abstient - au moins devrait-elle le faire - de tout jugement vis-à-vis des faits historiques isolés. En réalité, elle fait preuve d'une absence de courage pour étudier et juger les faits en les soumettant à l'activité du penser, en particulier des faits qui sont vraiment décisifs, essentiels et « justes ». On pourrait dire aussi : C'est l'aveuglement face à la réalité qui est à la base d'une telle attitude. Car dans la réalité, il existe bien des faits qui sont effectivement plus décisifs que d'autres. Celui qui doute de cela, qu'il examine donc clairement l'état de fait observable suivant : En face des phénomènes sensibles, ce sont les concepts qui sont les éléments décisifs, persistants, constants, et donc l'élément spirituel dedans, ou derrière, les faits. Le concept de « phénomène » affirme par exemple une immuabilité absolue, une constance vis-à-vis de tout phénomène isolé « réel », qui vient et va, et qui est donc tout autre que stable en lui-même. Mais les concepts eux-mêmes appartiennent au domaine de l'ensemble des phénomènes ; C'est-à-dire qu'ils surgissent dans la conscience pensante de l'être humain. Au sein de la globalité des phénomènes, ils sont donc plus essentiels, plus décisifs que les autres phénomènes. Au sein des phénomènes non-abstraits, l'étude symptomatologique doit donc désormais procéder simplement à une articulation et une détermination analogues entre phénomènes essentiels et phénomènes accessoires.

 

[i] Conférence du 4 juillet 1916, dans GA 169, Êtres universels et l'essence du moi, Éditions Anthroposophiques Romandes 2004

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